À quel type de contenu le contre-discours répond-il ?
Les auteurices de contre-discours choisissent eux-mêmes les contenus qui méritent une réponse à leurs yeux, de sorte que leurs décisions sont subjectives et variées. Certains groupes assignent à quelques-uns de leurs membres le rôle de sélectionner le contenu auquel les autres répondent. Dans tous les cas, les porteur.euses de contre-discours décident eux.elles-mêmes non seulement du contenu, mais aussi des sources ou des personnes à contredire. Par exemple, certain.es réfutent la propagande d’État, même si cela les expose parfois au risque de représailles de la part de gouvernements puissants et rancuniers et/ou de leurs partisan.es.
Lorsqu’on leur demande quel type de contenu il.elles recherchent, la plupart des auteurices de contre-discours interrogés par le DSP répondent par “les discours de haine”. Il.elles réagissent également à d’autres types de contenus, et ce toujours parce qu’il.elles les jugent préjudiciables, notamment les discours dangereux, la désinformation et les contenus terroristes (qui constituent en eux-mêmes une catégorie éclectique). Ces catégories de contenus, qui peuvent toutes se recouper entre elles, sont présentées ci-dessous.
Les objectifs des contre-discours
Les personnes qui choisissent de réagir à des discours de haine au lieu de les ignorer ont souvent à la fois des motivations variées et un objectif global qu’elles partagent avec de nombreux.ses autres porteur.euses de contre-discours : améliorer le discours en ligne.
De nombreux porteur.euses de contre-discours affirment que leurs messages et commentaires s’adressent principalement à ceux.elles qui lisent des discours de haine – les auditeurices silencieux.ses – plutôt qu’à ceux.elles qui les écrivent. Certains espèrent modifier les opinions du “centre malléable” des auditeurices (les indécis.es), c’est-à-dire les personnes qui consultent les discussions en ligne enflammées qui opposent les partisans de courants d’opinion contraires, mais savoir elles-mêmes d’idées définitives sur les sujets qui y sont discutés. D’autres tentent également d’atteindre les personnes qui sont déjà convaincues du bien-fondé du contre-discours, mais n’osent pas encore exprimer leur point de vue en ligne. Le recrutement de nouveaux.elles porteur.euses de contre-discours augmenterait en effet la quantité de contre-discours en circulation et, après tout, il est plus facile de mobiliser quelqu’un lorsqu’il n’est pas nécessaire de modifier ses opinions. D’autres auteurices de contre-discours (et parfois les mêmes) peuvent encore avoir un autre objectif : soutenir les personnes qui ont été dénigrées ou attaquées par des discours de haine. Il.elles cherchent par là à atténuer les effets négatifs du discours de haine sur ses cibles. Il existe également des porteurs de contre-discours qui tentent de persuader les auteurices de discours de haine de renoncer, soit en les éduquant, soit en utilisant des tactiques de pression sociale telles que l’exposition à la honte publique. Il peut paraître plus difficile de modifier les opinions ou le comportement de l’auteurice original d’un discours de haine que d’influencer le public, mais ce n’est pas impossible. En fait, le contre-discours en ligne a pu y parvenir de manière spectaculaire.
Le cas de Megan Phelps-Roper en fournit un exemple bien documenté. Ayant été élevée dans la Westboro Baptist Church, une église sectaire et d’extrême droite qui avait été fondée par son grand-père, elle a, dès l’adolescence, fait tout ce qu’elle pouvait pour répandre sa haine virulente de l’homosexualité et des personnes gays, ainsi que d’autres discours dangereux professés par l’église. Elle a ouvert un compte Twitter à cet effet. C’est là que les contre-discours en ligne d’inconnu.es l’ont lentement amenée à remettre en question les croyances qu’elle défendait avec ferveur, au point de quitter l’église Westboro, d’être excommuniée par sa famille et de devenir une porteuse de contre-discours contre les opinions qu’elle avait antérieurement répandues. Mme Phelps-Roper a publié un livre décrivant son expérience et présenté une elle y propose des idées pour développer des contre-discours de manière convaincante.
> Pour plus d’information sur Megan Phelps-Roper, consultez la section Exemples.
Stratégies utilisées dans les contre-discours
Le contre-discours peut emprunter de nombreuses formes différentes, et les porteur.euses de contre-discours utilisent une variété de stratégies de communication. Vous trouverez ci-dessous la description des stratégies les plus courantes ou les plus intrigantes.
Considérations pratiques
Avant de vous engager dans la pratique du contre-discours, vous devez connaître les risques que cela implique. Les auteurices de contre-discours peuvent parfois se voir critiqué.es et attaqué.es en raison de leur action. Ces risques sont plus aigus pour qui s’exprime contre un régime autoritaire. Si vous envisagez de devenir porteur.se de contre-discours, il est important d’apprendre à vous protéger avant de commencer.
PEN America, une ONG qui défend la liberté d’expression, les écrivain.es et la littérature, a élaboré des lignes directrices pour pratiquer le contre-discours en toute sécurité, dans le cadre d’un “manuel de terrain” destiné à lutter contre le harcèlement en ligne. Le guide recommande tout d’abord d’évaluer la menace sur le plan de la sécurité tant physique que numérique. Les risques pour votre sécurité dépendent du contexte. Les facteurs à prendre en compte sont : votre localisation, la personne à laquelle vous répondez et le sujet abordé, ainsi que la quantité d’informations personnelles disponibles en ligne à votre sujet.
Les stratégies auxquelles vous recourez dans votre réponse peuvent également participer à votre protection. S’engager aux côtés d’autres personnes peut s’avérer utile, car vous ne deviendrez pas une cible isolée et d’autres personnes pourront rapidement vous soutenir si vous êtes attaqué.e en ligne. Éviter de répondre directement à l’auteurice peut également permettre de prévenir un conflit. Attachez-vous plutôt à employer des contre-discours qui peuvent influencer positivement les autres personnes qui lisent vos interventions – ce sont celles que vous avez le plus de chances de persuader. Sur les réseaux sociaux, vous pouvez également “aimer” le contre-discours écrit par d’autres, ce qui amplifie leurs messages tout en limitant votre exposition personnelle.
Examples
Ressources (en anglais)
Recherches et ressources du Dangerous Speech Project
- org/counterspeech
- Why they do it: Counterspeech Theories of Change by Cathy Buerger (2021)
- Counterspeech: A Literature Review by Cathy Buerger (2021)
- #iamhere: Collective Counterspeech and the Quest to Improve Online Discourse by Cathy Buerger in Social Media + Society (2021)
- Counterspeech on Twitter: A Field Study by Susan Benesch et al. (2016)
Autres publications universitaires
- ‘Empathy-based counterspeech can reduce racist hate speech in a social media field experiment’ by Dominik Hangartner et al. in the Proceedings of the National Academy of Sciences (2021).
- ‘Hate Beneath the Counter Speech? A Qualitative Content Analysis of User Comments on YouTube Related to Counter Speech Videos.’ by Julian Ernst et al. in the Journal for Deradicalization (2017).
- ‘Collective Civic Moderation for Deliberation? Exploring the Links between Citizens’ Organized Engagement in Comment Sections and the Deliberative Quality of Online Discussions’ (a study of #ichbinhier, the German #iamhere affliate) by Dennis Friess, Marc Ziegele & Dominique Heinbach in Political Communication (2021)
- ’Toxic Misogyny and the Limits of Counterspeech’ by Lynne Tirrell in the Fordham Law Review (2019).
Ressources d’autres ONG
- ‘Communicating During Contentious Times: Dos and Don’ts to Rise Above the Noise’ by Over Zero and PEN America
- ‘Best Practices’ and Counterspeech Are Key to Combating Online Harassment’ from the Anti-Defamation League (2016).
- Effective Counter-Narrative Campaigns, from Do One Brave Thing (2021).
- Guidelines for Safely Practicing Counterspeech, from PEN America’s Online Harassment Field Manual.
Centre de ressources de Facebook sur le Counterspeech
Ressources en français
- Alternatives – Les contre-récits pour combattre le discours de haine, Conseil de l’Europe, 2017, https://www.coe.int/fr/web/no-hate-campaign/we-can-alternatives1
- Connexions – Manuel pour la lutte contre le discours de haine en ligne par l’éducation aux droits humains, Conseil de l’Europe, 2020, https://rm.coe.int/connexions-ed-revisee-2020-final-web/16809ed734
- Boîte à outils pour un discours basé sur les droits humains, Conseil de l’Europe, 2021, https://pjp-eu.coe.int/fr/web/human-rights-speech/home
- Recommandation du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe CM/Rec(2022)16 sur la lutte contre le discours de haine, 20 mai 2022, https://rm.coe.int/prems-083922-fra-2018-recommendation-on-combating-hate-speech-memorand/1680a710ca
- Lutter contre le discours de haine dans les médias audiovisuels: Normes, jurisprudence, bonnes pratiques et études de cas – guide pratique, Organisation internationale de la Francophonie, 2020, https://www.francophonie.org/sites/default/files/2020-01/oif_discours-haine-medias_v5.pdf
Remarques finales
Le FFS remercie les institutions suivantes pour leur soutien dans la réalisation de cette boîte à outils.
Pour plus d’information sur le FFS, veuillez consulter le site : https://futurefreespeech.org/
Pour les contacts presse, veuillez vous adresser au directeur exécutif du FFS, Jacob Mchangama, à l’adresse suivante : jacob@futurefreespeech.org.
La boîte à outils a été traduite en français par Pierre François Docquir
This toolkit has been transalted into French by Pierre François Docquir
Bio
ENG
I’m a researcher and consultant in the fields of international Human Rights Law and Internet and media law and policy. My work has focused on the protection of freedom of expression in the changing context of contemporary media landscapes. My professional experience covers policy development and implementation in complex political environments and dealing with public authorities and private stakeholders (industry actors and civil society groups) on issues of internet and media regulation, the preparation and delivery of expertise and training missions for international institutions, research and development of policy documents, advocacy, the management of legal cases, communication, programme management and staff management. My publications include a volume on the evolution of media regulation in the age of convergence, a book on comparative free speech law (US-ECHR), and numerous articles on the protection of human rights in digital and offline contexts.
FRA
Je suis chercheur et consultant dans les domaines du droit international des droits humains et du droit et de la régulation de l’internet et des médias. Mon travail s’est centré sur la protection de la liberté d’expression dans le contexte changeant des paysages médiatiques contemporains. Mon expérience professionnelle couvre l’élaboration et la mise en œuvre de politiques dans des environnements politiques complexes, les relations avec les autorités publiques et les parties prenantes privées (acteurs du secteur et groupes de la société civile) sur les questions de régulation de l’internet et des médias, la préparation et la réalisation de missions d’expertise et de formation pour des institutions internationales, la recherche et l’élaboration de documents politiques, la défense d’intérêts, la gestion d’affaires juridiques, la communication, la gestion de programmes et la gestion du personnel. Mes publications comprennent un volume sur l’évolution de la réglementation des médias à l’ère de la convergence, un ouvrage sur le droit comparé de la liberté d’expression (US-ECHR), et de nombreux articles sur la protection des droits humains dans les contextes numériques et hors ligne.
Pour le FFS, il a effectué la traduction en français de la boîte à outils sur l’utilisation des contre-discours pour lutter contre la haine en ligne.